dimanche 23 mars 2008

DU TORTILLARD AU TGV, EN PASSANT PAR LE CORAIL ET L'OMNIBUS, LES TRAINS CHANGENT, LA VACHE RESTE (Vincent Roca)

Guillaume PEPY, président de la SNCF annonçait, lors de sa nomination à la tête de ce groupe que « la compétitivité n'était pas suffisante car il y a trop de frais de structure et trop de gâchis dû à la rigidité des organisations et des métiers ». Selon lui, la SNCF aurait besoin d'un électrochoc...

Il est vrai que, au vu de ce que nous présentent les médias, la situation n'est pas fameuse. Le fret qui pomperait le chiffre d'affaire, les grèves à répétition qui seraient un frein extraordinaire et propageraient une image rétrograde de la SNCF... Encore heureux, ces fonctionnaires, d'avoir un emploi stable, une retraite de bonne heure et des avantages mirobolants... C'est du moins ce qu'il ressort de la vision que les médias apportent de cet organisme d'état.

Seulement voilà, entre la réalité des médias et les chiffres présentés cette semaine, il y a un fossé ! En effet, la SNCF publie ses résultats financiers et là, le discours réservé aux actionnaires, dont l'état, n'est plus le même !

Pour l'exercice 2007, la SNCF présente un bénéfice de 1,04 milliard d'euros, soit une progression de 184 % par rapport à 2006 (un peu plus de 500 millions de bénéfices, ce qui, au dire de certains experts, était une bonne année) et ce pour un chiffre d'affaire de 23,7 milliards d'euros (soit une progression du chiffre d'affaire de 8 %). Le ROE (pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, vous pouvez consulter ce post) est de 13,5 % soit équivalent à celui d'une grande banque française d'un point de vue rentabilité des capitaux placés. D'ailleurs, tous les services, hormis le fret, sont en très nette progression (+4,5 % pour les grandes lignes, +4 % pour le ter... Pour le fret on compte un déficit de 240 millions d'euros, soit l'équivalent de 1 % du CA).

Et comment se traduisent de tels bénéfices dans la réalité quotidienne de la SNCF ? Simple : pas de nouveaux investissements, pas d'augmentation de salaire, à croire que tout est fait pour augmenter encore le rendement des capitaux, comme c'est le cas dans une entreprise du privé... D'ailleurs, si les salaires ne suivent pas les bénéfices, des dividendes ont, par contre été versées aux investisseurs, l'état en premier... Pour tenter de calmer un peu l'ardeur du personnel, on a quand même, du bout des lèvre, évoqué la possibilité d'étudier le fait d'introduire une participation aux bénéfices au sein de l'entreprise SNCF... Avec un peu de chance, ce ne sera pas des promesses sarkoziennes...

Maintenant, une chose dans tous ça me gène quand même... Et si l'état voulait introduire la privatisation de l'entreprise SNCF, ne s'y prendrait-il pas autrement ? Bénéfices records, possibilité d'obtenir de fortes dividendes, possibilité d'augmenter le ROE par la suppression de certaines branches (fret) et certaines gares pas assez rentables, voir de réduire le personnel en ne remplaçant pas les départs en retraite, privatisation déjà des services dépendants tels que l'entretien, la réparation... Voilà de quoi aiguiser fortement l'appétit des loups de la finance mondiale...

Alors, bien sûr, on connait la facilité avec laquelle le personnel peut se mettre en grève. Mais, vous l'avez déjà vu, ne serait-il pas aisé de faire croire à la population que les motifs de cette grève sont illégitimes ? Avec l'assentiment des médias, il est facile d'orienter une bonne part de la population. La meilleure preuve étant que 52 % de la population a quand même cru que Sarko ferait un bon président et qu'il les défendrait grâce à la tv...

On nous aurait menti pour ça mais, promis, pour les grèves, c'est pas pareil...

Et si les grèves SNCF étaient légitimes ? Et si le personnel se battait réellement pour maintenir un service de qualité, débarrassé des obligations rentables capitalistes ? Et si, pour une fois, au lieu de réfléchir en troupeau, on faisait marcher un peu nos cellules grises ?

Parce que, si on s'en tiens au faits et aux preuves, pour le moment, on est obligé de constater que, si les médias nous ont trompé sur de très nombreux sujets, notamment sur les sujets concernant la finance et le capitalisme, obéissant, en cela à la voix de leur maitre, on est bien en peine de trouver des preuves concernant un mensonge ou une omission de la part des grévistes...

En cette veille de commémoration de mai 68, je tenais, pour ma part, à assurer ce personnel de mon soutien et à le féliciter pour son attitude courageuse à l'heure ou, pour une majorité d'entre nous, il n'est pas question de se soulever pour refuser d'être traité en esclave, et qu'il est plus facile d'envier celui qui ose le faire que de lui dire qu'il a raison et de se lever à ses côtés...

Alors oui, monsieur PEPY, la SNCF a besoin d'un électrochoc, mais pas pour ce que vous pensez, au contraire, mais pour finir de s'éveiller et lutter plus fort encore contre un avenir privé qui ne pourrait être bon, ni pour ses salariés, ni pour ses usagers !

Aucun commentaire: