La catastrophe vécue par la société générale, avec l'affaire Kierviel, était-elle inévitable ? La direction de ce groupe n'était pas au courant que de telles pratiques avaient lieu au sein de ses établissements ?
On peut sérieusement en douter ! Et ce doute porte même, en économie, un nom : le ROE !
ROE (Return On Equity – rendement des fonds propres). En gros, il s'agit de rendement du capital investit. Qu'est ce que c'est ? Le capital investit par l'actionnaire au sein de l'entreprise doit être rentabilisé, rapporter ! La rentabilité a même été fixée à un taux de 15 % qui est appliqué depuis le début des années 90. Et c'est là que la perversité du système commence. En effet, ce taux est à rapprocher d'un taux tel que celui concernant l'intérêt à long terme sur des actifs sans risque (emprunts d'état servant à établir le taux de votre livret caisse d'épargne) qui ne rapporte, lui, que 4 %. Alors, comment passe t'on de 4 % à 15 % ?
Dans une entreprise créatrice de biens de consommation, la solution consisterait à augmenter la productivité par salarié sans augmenter le salaire, à augmenter le prix de vente du produit fini, à diminuer le coût d'achat de la matière première nécessaire à la production, à délocaliser afin de réduire le coût de production... Solutions nombreuses et cumulables qui permettent, un temps seulement ,puisque le résultat sera reversé à l'actionnaire mais ni au salarié (pas d'évolution du pouvoir d'achat), ni à l'investissement (rentabilité en baisse du fait de l'obsolescence des outils), de maintenir un taux de rendement important.
Mais voilà, la Société Générale ne créé pas de produits de consommation !
Quelle est la vrai source financière d'une banque ? Une banque gagnera de l'argent en pariant sur les cours de la bourse. Or, la rentabilité moyenne, en pariant sur la variabilité des cours de la bourse n'est, sauf période exceptionnelle, ce qui n'est pas le cas, que de 4 % à 6 %... sauf à prendre des risques élevés lors de ses placements. Il faut donc en conclure que, pour atteindre un ROE de 15 %, une banque doit, fort logiquement, prendre de tels risques !
Et la société générale annonçait, par exemple pour 2004, un ROE de 16,48 % !!!
Pour P. Artus (directeur des études économiques de la caisse des dépôts et consignations) et M.P. Virard (rédactrice en chef du magazine Enjeux-Les Echos), une entreprise qui rémunère ses fonds propres 10 % à 12 % de plus « ne peut qu'avoir pris des risques exceptionnels et excessifs dans des opérations de trading » (propos tenus en 2005 dans « le capitalisme est en train de s'autodétruire » ed. La Découverte). Ils ajoutent que « le danger est... que les investisseurs ne soient pas conscients » de l'existence de tels risques, à moins qu'ils « soient suffisamment friands de rendements élevés pour éviter de se poser davantage de question sur leur fondement réel ».
Comme vous pouvez le voir, tous les éléments de l'affaire Kierviel sont en place. De là à penser que ce trader n'a fait qu'appliquer une politique nécessaire à l'obtention de résultats dans le cadre d'un rendement exigé de 15 % et qu'il n'est certainement pas le seul à appliquer cette politique, il n'y a qu'un pas !
Maintenant, que la direction ne soit pas au courant de telles pratiques, pourquoi ne pas l'imaginer... Sauf que :
- Les Etats Unis, dénonçant, entre autres, de telles pratiques, ont mis en place, en 2002, la loi Sarbanes-Oxley suite aux affaires WorldCom et Enron
- Le FMI (Fond Monétaire International) a, en juin 2005, tiré le signal d'alarme face aux pratiques liées à la recherche de rendement maximum qu'est le ROE
- Gérhard Schröder, alors chancelier Allemand, a sermonné le PDG de la Deutsche Bank en 2005 face à la volonté de celui-ci d'amener son ROE au dessus de la barre des 25 %. Le chancelier s'était alors inquiété et lui avait demandé de réfléchir à ses « devoirs envers son personnel comme envers la nation »
Fait inquiétant, la Société Générale n'est pas la seule dans ce cas car, selon l'agence de notation Fitch Rating, 32 des 100 premières banques européennes ont affiché un ROE supérieur à 15 % en 2004 (SG 16,48 % ; DEXIA 16,37 % ; BNP-PARIBAS 14,28 % pour ne citer qu'elles) !
Alors, si le système est connu, pourquoi une telle affaire ? Syndrome du bouc émissaire ? Intérêts supérieurs ? Couverture de survie ? Ecran de fumée ? A presque 5 milliard de perte, difficile à imaginer... Le rôle de la justice serait peut-être déjà de répondre à cette question... En attendant, je vous laisse vous faire votre propre opinion...
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